Depuis le début de la session d’hiver 2013, les espaces du 2e étage du pavillon Aquin ont subi moult transformations. L’élément le plus visible est le cloisonnement du secteur Café Aquin et celui des associations étudiantes. Par la suite, l’ensemble de ce pavillon fut tapissé de nouvelles caméras de vidéosurveillance. De plus, le Service de Prévention et de Sécurité, le SPS qui compte en temps normal 120 agent-e-s de sécurité, a augmenté le nombre de patrouilles proches de la zone et a même posté des sentinelles pour surveiller les murs. Tout cela fut décidé en catimini par le SPS et l’administration de l’UQAM, méprisant ainsi le peu de démocratie institutionnelle. En bafouant ainsi la collégialité, ils agissent cavalièrement afin d’instaurer une nouvelle culture de la sécurité au sein de l’université. Pour y parvenir, le SPS a besoin d’un bouc émissaire, un ennemi extérieur. Ainsi le SPS va assoir son discours sécuritaire sur la protection contre les tireurs fous, malgré les nombreuses études qui démontrent leur inanité. La vidéosurveillance comme son nom l’indique sert à surveiller et à enquêter, elle ne permet pratiquement jamais de prévenir les tueries. Démontrant ainsi que les réels enjeux se situent ailleurs. La direction de l’UQAM souhaite plutôt prévenir les futurs conflits politiques en modifiant nos espaces et notre capacité d’agir au sein de ceux-ci. Le véritable ennemi de l’administration et du SPS c’est plutôt les militants et militantes qui s’organisent au sein de l’UQAM sur des bases autonomes. Car après avoir utilisé une panoplie d’outils répressifs, dont les expulsions, les injonctions et les accusations criminelles, pour briser les mouvements de contestation [voir texte, dérive sécuritaire], elle se tourne désormais vers la transformation de nos espaces organisationnels.
Il faut garder en tête que le but réel du SPS et de l’administration est de nous intimider afin que l’on rentre dans le rang et que cesse la dissidence sur le campus. L’emploi de moyens sécuritaires à l’UQAM est le reflet au sein de l’institution de ce qui se passe dans l’espace urbain où l’on transforme les espaces afin de mieux les contrôler. Le Quartier latin a passablement été transformé durant les dernières années. Ces changements s’opèrent à travers un cadre idéologique bien défini qu’est l’aménagement sécuritaire. Elle vise à enrayer les comportements jugés déviants ou nuisibles aux commerçants dans les espaces publics. L’urbanisme mis de l’avant par les tenants de l’aménagement sécuritaire part de la prémisse que des lieux sont criminogènes, qu’ils incitent au crime. « Cette idéologie qui établit un lien de causalité directe entre formes spatiales et pratiques des agents sociaux fait abstraction des rapports sociaux de domination» [1], comme les rapports de classe, genre et race.
Les transformations que subissent les lieux d’un quartier, comme les parcs ou les rues, sont multiples. Par exemple, des modifications sont apportées au mobilier urbain, on enlève les bancs dans certains parcs pour éviter que les gens dorment dessus. L’aménagement sécuritaire c’est aussi l’érection de clôtures, l’installation de caméras de surveillance et l’intensification des patrouilles de police ou d’agents de sécurité privée. Permettant ainsi de transformer un territoire hostile en zone sécurisée. C’est comme cela que se crée l’espace défendable puisqu’il est bien difficile d’y entretenir la résistance.
Il est dès lors fort aisé de tracer des parallèles entre la situation uqamienne et l’aménagement sécuritaire. Les deux partent du même principe : briser la résistance. La volonté de l’UQAM de transformer les espaces sous la houlette sécuritaire doit être dénoncée et combattue. Car il est nécessaire pour les forces progressistes de l’UQAM qu’elles disposent d’espaces à elles. De plus, ceux-ci doivent demeurer des lieux où fleurissent les mobilisations et les actions politiques. Cependant, si l’avenir ne s’annonce pas radieux pour les étudiant-e-s, nous avons la possibilité de changer le cours de l’histoire. Pour cela, il faut se poser la même question que Lénine posait en 1902, Que faire? À cela, nous répondons qu’il faut construire un rapport de force envers l’administration et que pour y parvenir, notre force demeure la mobilisation et l’action politique.
*Références*
1. Jean-Pierre Garnier, Un espace indéfendable : L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire, p.46